La France s’est faite d’un Nord (“la vraie France”, selon Michelet) et d’un Midi, qui pour l’essentiel est le pays d’une autre langue, la langue d’oc, d’une autre culture et d’un autre “tempérament”. Mais officiellement la création originale représentée par cette littérature occitane de niveau européen, est étouffée et maintenue au “secret d’État”.L’auteur entend ici aller plus loin qu’une dénonciation de cette mise aux oubliettes. Il veut montrer quelles distorsions ce préjugé entretient au coeur même du sentiment national et comment l’absence d’une reconnaissance de l’Autre, du Midi, crée un malaise de la conscience collective, qui résonne dans des oeuvres de la littérature de France.Il choisit pour cela trois grands moments de la genèse du fait national.- Au XIIe siècle, entre 1100 et 1150, le pays d’oc prend une avance littéraire fulgurante. Dans le domaine de la création narrative et épique, il en serait de même si une vague d’oïl ne submergeait pas la création méridionale à partir du XIIIe siècle. Ainsi se met en place un couple idéologique: le Midi est lyrique, raffiné et féminin, le Nord est héroïque, brutal et mâle, et l’enseignement éduquera les Français au Nord seul, responsable de l’”épopée nationale”.- Au XVIe siècle, au sortir des guerres de Religion, une littérature d’oc se reconstitue autour principalement d’Henri III de Navarre, le “héros gascon”. Le Nord se réserve l’“être” et enferme le Midi dans le “paraître”. – Au XIXe siècle, la France s’industrialise et crée autour de Paris, une classe bourgeoise qui porte la nation moderne. Pour celle-ci, le Midi devient un pays lointain. Parallèlement, la vague européenne des nationalités éveille une nouvelle littérature d’oc qui atteint un sommet avec Mistral. Trois auteurs provençaux servent à appronfondir l’analyse du “mal d’être” méridional jusqu’à un mal intime du sujet écrivant: Daudet, Giono et Pagnol.