Maurice FAURE est né le lundi 2 janvier 1922 à Azérat en Dordogne. Agrégé d’histoire et de géographie, docteur en droit, il enseigne au Lycée Pierre de Fermat à Toulouse.

1948 : Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse.
1947 : Attaché au Cabinet d’Yvon Delbos, ministre d’Etat.
1947-1948 : Chargé de mission au cabinet de Maurice Bourgès-Maunoury (secrétaire d’Etat au Budget).
1950-1951 : Chef de cabinet de Maurice Bourgès-Maunoury (secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil).
1951 : Élu député radical-socialiste du Lot à 29 ans, et réélu en 1956 (député du Lot jusqu’en 1983).
1953-1955 : Secrétaire général du Parti Radical-Socialiste.
1956-1957 : Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères dans le cabinet de Guy Mollet. 1957-1958 : Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères dans les cabinets Bourgès-Maunoury et Félix Gaillard.
Mai 1958 : Ministre de l’Intérieur puis Ministre des Institutions européennes dans le cabinet Pierre Pflimlin.
1958 – 1983 : Député du Lot.
1960-1962 : Président du Groupe de l’Entente démocratique de l’Assemblée nationale.
1961-1965 et 1969-1971 : Président du Parti Radical-Socialiste.
1962-1967 : Président du groupe du Rassemblement Démocratique de l’Assemblée nationale.
1964-1970 : Président de la Commission de Développement Economique Régionale (CODER) Midi-Pyrénées
1965-1990 : Maire de Prayssac (de 1953 à 1965), maire de Cahors (de 1965 à 1990).
1971 : Président du Conseil Général du Lot (jusqu’en 1995)
Depuis 1974 : Vice-président du Conseil de la région Midi-Pyrénées.
1979 : Député européen de 1979 à 1981.
Mai 1981-Juin 1981 : Garde des Sceaux, Ministre de la Justice dans le premier gouvernement de Pierre Mauroy, sous la présidence de François Mitterrand.
1983-1988 : Sénateur du Lot, inscrit au groupe de la Gauche Démocratique
1988-1989 : Ministre d’Etat, ministre de l’Equipement et du Logement.
1989 : Membre du Conseil Constitutionnel.
1994 : Président d’honneur du Conseil général du Lot.
Il fût aussi Conseiller général du canton de Montcuq (Lot) pendant plus de trente ans.

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Photo aimablement prêtée par Charles Farreny, 46800 Montcuq

 

Maurice Faure : Européen radical

Ministre de François Mitterrand à deux reprises, membre du Conseil constitutionnel pendant dix ans, Maurice Faure reste l’une des figures historiques de la vie politique française.

Dernier représentant d’envergure du radicalisme, il a été l’un des artisans de la construction européenne. Un livre d’entretiens, “D’une République à l’autre”, retrace l’itinéraire de ce pur lotois.

Rencontre avec Maurice Faure lors de sa venue à la librairie Castéla à Toulouse.

Opinion Indépendante : Vous rappelez dans votre livre que le radicalisme après-guerre a tenté d’incarner ce fameux “centre” (ce qu’il avait été d’une certaine manière durant l’entre-deux-guerres). Ne pensez-vous pas que c’est finalement le gaullisme qui a réussi à transcender le clivage gauche / droite ?

Maurice Faure : C’est quand même le parti radical qui a compté le plus de Présidents du Conseil sous la IVème République. Il a été de presque tous les gouvernements et c’était autour de lui que se faisaient les coalitions. C’était un pivot. Le gaullisme c’est avant tout l’élection du Président de la République au suffrage universel auquel les Français tiennent beaucoup. Mais cela coupe la France en deux : droite et gauche. Le parti radical lui-même s’est coupé en radicaux de gauche et de droite sous la Vème République.

à propos du Parti Radical de gauche aujourd’hui, vous dites “Il est condamné (…) il n’a plus grand chose de nouveau à proposer” et sa disparition est “inéluctable”. Ce n’est pas très gentil pour vos successeurs…

On m’a reproché les mêmes travers qu’eux. J’ai cherché des idées nouvelles pour les apporter au radicalisme et je n’en ai pas trouvé. Je constate que mes successeurs non plus n’en ont pas trouvé. Tous ces discours que nous faisons sont creux – comme la plupart des autres discours. Dans une certaine mesure, peut-être que le Parti Socialiste représente aujourd’hui ce qu’était le Parti Radical sous la IIIème République.

Vous êtes entré aux Jeunesses Radicales en 1938 puis dans la Résistance en juin 44 après le débarquement. Cela veut-il dire que vous avez été – comme beaucoup de Français – plus sensible aux accords de Munich signés par le radical Daladier qu’à l’appel du 18 juin 40 ?

Daladier parlait à propos des accords de Munich de “connerie” qu’on ne pouvait pas éviter de faire. Il a dit quand il a vu la foule qui venait l’acclamer à l’aéroport : “Ils ne savent pas ce qu’ils applaudissent”. Daladier le savait. Tout le monde applaudissait les accords de Munich. Moi aussi, j’étais pour. Mais cela n’a pas été un élément déterminant. Ils étaient inévitables. On a eu des mots très excessifs pour condamner Munich mais c’était pratiquement inévitable.

à propos de l’Europe, vous dites que la France doit lui transférer sa diplomatie, sa politique de défense, sa politique monétaire et sa politique économique. Comprenez-vous que de tels transferts puissent inquiéter de nombreux républicains et pas seulement “les gaullistes, les communistes et les lepénistes” que vous désignez comme les adversaires de l’Europe ?

Les gaullistes sont très divisés sur l’Europe. Ils ont beaucoup changé et par la voix de Chirac ils ont rallié l’idée européenne. Ils sont pour le vote à la majorité et l’élargissement de la communauté. Ceux qui sont avec Pasqua restent hostiles à l’Europe. Peut-être que l’Europe que je défends est en avance sur la conception de Chirac ou de Jospin ? Le principe de subsidiarité veut que chacun s’occupe de ce pour quoi il est le mieux qualifié. La diplomatie, la défense, la justice, l’économie, tout cela découle maintenant de la mondialisation. Si nous ne faisons pas en Europe un bloc qui adhère dans son ensemble à la mondialisation, que deviendra chacun des pays européens ? Unie, l’Europe existe. Divisée, elle n’est pas grand chose.

Selon vous, l’avenir de l’Europe c’est l’Euro et vous déclarez qu’une politique économique commune entraîne une politique commune. Ne pensez-vous pas qu’inféoder la politique – et le politique – à l’économie, à la monnaie et à la finance ne marque pas un renoncement des hommes politiques ?

C’est une vaste question. Le Mark est devenu en 1848 la monnaie commune des pays qui allaient former la Prusse. Cette monnaie commune les a conduits à avoir une politique commune. Je fais ce même pari pour l’Euro. J’espère qu’il est bon. Je n’en suis pas sûr mais je crois qu’il est bon. Est-ce un désavoeu pour les politiques ? Je ne le crois pas. L’Euro pose les mêmes problèmes qu’une monnaie nationale mais à l’échelle de l’Europe.

Toujours sur l’Europe, vous dites : “L’unité européenne est inscrite dans le destin, elle se fera inéluctablement”. Ce qui est frappant chez les partisans de l’Europe c’est ce messianisme – on invoque le “destin” ou un déterminisme historique – mais on a aussi connu cette croyance dans un “sens de l’Histoire” pour le communisme ce qui n’a pas empêché le communisme de s’effondrer…

L’Europe a 50 ans. Elle a commencé avec Robert Schumann qui a lancé un appel à une politique nouvelle qui sous-entendait la réconciliation avec l’Allemagne. Puis, il y a eu le début de la construction européenne avec le charbon, l’acier, le Traité de Rome… Cinquante ans après, on peut dire que le Traité de Rome a engendré l’Euro. Aujourd’hui, tout le monde parle d’une défense européenne commune. L’Euro va se réaliser et la politique étrangère commune finira par se réaliser. C’est quelque chose de solide car c’est voulu par les gouvernements, les parlements et les opinions. Cela plaide en faveur de ce que j’ai appelé le côté “inéluctable” de l’Europe.

Vous dites : “J’estime que nous devrions avoir une politique plus franchement pro-américaine”. Est-il possible pour la France d’être encore plus pro-américaine qu’aujourd’hui ?

Tous nos partenaires sont favorables à une politique pro-américaine. La France est le seul des pays de la Communauté qui réclame son indépendance. Je suis pour cette indépendance mais il faudrait que les autres pays soient d’accord. Les Allemands, les Italiens et les autres n’ont qu’une idée : suivre les Américains. La France seule ne pourra pas réaliser son rêve d’indépendance.

Il y a quelques mois, le Commissaire au Plan Henri Guaino a été limogé pour avoir établi un rapport affirmant qu’il y avait sept millions de Français en situation d’exclusion sociale ou de grande précarité. Pour votre part, vous estimez le nombre “d’exclus” à trois millions. Sur ces trois millions, vous jugez qu’un quart de ces gens, “qui se plaisent sans domicile fixe”, est “irrécupérable” tandis qu’un autre quart “vit grâce aux prestations sociales et surtout, grâce au travail au noir”. Cette vision des choses n’est-elle pas un peu anachronique ?

Un quart de ces trois millions sera toujours chômeur. Pas pour en profiter mais ce sont des personnes qui sont inaptes au travail. Ensuite, il y a 800.000 à un million de personnes pour lesquelles c’est un métier d’être chômeur. Le système est le suivant : ils travaillent six mois puis se font licencier. Ils ont des allocations élevées pendant deux ans et ils font du travail au noir. Les véritables chômeurs ce sont les jeunes et surtout les gens entre 45 et 50 ans. Quand on est licencié à cet âge-là, on a du mal à retrouver un emploi. Ce sont de véritables chômeurs à plaindre.

Propos recueillis par Christian Authier

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Entretiens avec Christian Delacampagne, éditions Plon 

Les confessions de Maurice Faure

Il a fait l’Histoire

Maurice Faure vient de publier le seul ouvrage de son exceptionnelle carrière politique. «La-Dépêche du-Midi» a rencontré en exclusivité cet homme qui a tutoyé un demi siècle de politique française.

Il n’écrit pas. Il parle. Il parle très bien. A l’aune de sa carrière politique, Maurice Faure aurait pu prendre le temps d’écrire ses mémoires.

Des tomes et des tomes n’auraient pas épuisé ses souvenirs intacts. Cet orateur de génie s’est contenté de raconter sa vie politique à Christian Delacampagne, ami de son fils, spécialiste de philosophie politique et d’histoire contemporaine. Un bref ouvrage (trop bref ?) dans lequel l’ancien président du conseil général du Lot porte un regard sur sa très longue carrière. Sans fard ni miroir déformant il décrit plus d’un demi siècle de politique française. Un demi-siècle où il a souvent occupé des postes essentiels.

Maurice Faure nous invite à pénétrer dans cet univers, nous permet de rencontrer des grands personnages du siècle.

Le chemin parcouru par Maurice Faure ressemble à une ascension fulgurante de l’Everest suivie d’une promenade de santé, parfois agréable sinon monotone. Son Everest à lui c’est le Traité de Rome. L’acte fondateur de l’Europe. Il n’avait alors que 34-ans et déjà il était devenu le Mozart de la négociation, un diplomate reconnu.

En cette IVe république, armé du levier radical, il s’apprêtait à devenir l’un des plus grands hommes d’Etat français.

Mais la Ve république est passée par là avec son bipolarisme, son manichéisme droite-gauche.

Maurice Faure n’a pas choisi son camp. Il est du centre, du consensus, de l’harmonie des idées. A partir de cet instant il n’a trouvé que bien peu d’intérêt au combat politique. C’était un surdoué épicurien, un séducteur, qui n’a pas vraiment forcé son talent pour se maintenir parmi l’élite politique de l’Hexagone.

«Je ne regrette rien, j’ai fait ce que je voulais, je n’en demandais pas plus», affirme-t-il aujourd’hui. Il a compris sans doute avant tout le monde, qu’au regard de l’Histoire, la construction de l’Europe serait indélébile. Les hommes, eux, s’effacent.

Prayssac  Le forum et l’Empereur

Dans la cité du maréchal d’Empire Bessières, les références historiques ne manquent pas. On se plait à dire que le signataire français du Traité de Rome, acte fondateur de la construction européenne, n’était autre que le maire de Prayssac.

Dans la cité du maréchal d’Empire Bessières, les références historiques ne manquent pas. On se plait à dire que le signataire français du Traité de Rome, acte fondateur de la construction européenne, n’était autre que le maire de Prayssac. En 1956, Maurice Faure gérait la ville depuis trois ans. En deux mandats, il va assurer le décollage de l’économie et des infrastructures, avant de passer la main en 1965 à son épouse, Andrée, pour deux autres mandats. Les vieux Prayssacois vous diront qu’en fait il était resté un mairebis.

La station d’épuration, l’une des premières dans le Lot, la salle des fêtes, la piscine, le mille-clubs, le VVF, etc., c’est lui.

Michel Lolmède, le maire d’aujourd’hui, explique que «Maurice Faure est né politiquement à Prayssac et Bernard Charles biologiquement».

D’un maire à l’autre

Chaque personnalité d’envergure alimente le livre aux anecdotes. On raconte à Prayssac qu’un jour de foire, alors que Maurice Faure discutait sur la place lorsque la secrétaire de mairie vient lui annoncer que son fils est reçu à l’ENA. Un quidam s’écrie alors dans la foule : «Ça ne m’étonne pas, sa mère est si intelligente».

Bien entendu, il voulait dire : sa mère aussi est intelligente, corrige-t-on aussitôt, personne ne contestant les capacités intellectuelles de l’ancien ministre.

Le quiproquo résume en tous cas assez bien les rapports de déférence taquine entre celui qui a tant marqué de son empreinte la vie des Lotois et ses administrés eux-mêmes. Prayssac garde un peu la nostalgie de cette époque où les enjeux politiques quercynois se cristallisaient autour de la place d’Istrie, autour de «L’Empereur du Lot».

Extrait de “La Dépêche du Midi”

Le Lot a-t-il été pour vous un tremplin ou une histoire d’amour ?
– S’il n’avait été qu’un tremplin, j’aurais été ministre vingt fois. Si je l’ai été moins que j’aurais pu l’être, c’est précisément parce que lorsque j’étais ministre, le Lot me manquait. Je me plais plus dans le Lot qu’à Paris et ce fut peut-être la faiblesse de ma carrière politique nationale.
Ce pays est le mien. J’aime ses hommes, leur tempérament, leurs mœurs. Je me sens comme un poisson dans l’eau. C’est une longue histoire d’amour qui ne s’est pas démentie.
Extrait d’une interview de Maurice Faure parue dans Dire Lot n° 26, février-mars 1991