Généalogie dans le Lot

HIER ET AUJOURD’HUI par Philippe Deladerrière,

Président de l’A.R.H.FA.

Quelques années avant 1789, l’abbé Solacroup de Lavayssière, prieur d’Escamps (1732-1811), avait eu l’ambition d’écrire un nobiliaire de Haute-Guyenne incluant le Quercy. Il avait même fait paraître un prospectus pour une souscription et l’article concernant la famille GOZON d’Ays.

Passant de château en château il avait rassemblé une documentation très abondante. Malheureusement pour lui, la Révolution mit fin à son projet et une grosse partie de ses travaux a, semble-t-il, été détruite ou perdue pendant cette période où le peuple cherchait justement à se débarrasser de tous ces documents anciens sur lesquels s’appuyait la noblesse pour maintenir sa domination.

Seul subsiste un grand registre manuscrit qui analyse de nombreux contrats de mariages et successions relatifs à quelques familles du Quercy et du Rouergue (qui constituaient la province de Haute Guyenne à l’époque).

En 1872, la création de la Société des Etudes Littéraires et Artistiques du Lot (SEL) se fait avec l’appui des érudits locaux dont quelques uns s’intéressent à la généalogie. L’énorme travail de Guillaume Lacoste (1765-1844) sur l’histoire de la province du Quercy est publié par Combarieu et Cangardel en 1883.

Ce texte écrit au début 19° s. comporte nombre de références généalogiques sur les grandes familles quercinoises.

Dans la première moitié du 20° s siècle, des travaux de généalogie pure sont publiés dans le Bulletin essentiellement par le chanoine Adrien Foissac, longtemps président, et qui avait l’ambition de publier un dictionnaire généalogique des familles du Lot.

Après les études et publications du 19° s. essentiellement consacrées à des familles de la bourgeoisie prétendant descendre de la noblesse d’Ancien Régime ou même de la chevalerie du Moyen Age, on assiste à une première tentative pour démocratiser cette science, pour l’élargir à toutes les couches sociales. Ses travaux sont également utilisés par des collègues de la SEL, la généalogie joue bien là son rôle de science annexe à l’histoire comme saura si bien l’utiliser Jean Lartigaut.

Dans la pratique, les travaux publiés sont essentiellement relatifs à des familles nobles ou de notables locaux, mais les filiations sont attestées par des actes authentiques : registres BMS, contrats de mariages, successions ou au moins les résumés cités dans la série de l’enregistrements des actes civils publics d’Ancien régime (série 2 C des A.D.).

Pourtant, le travail considérable laissé par Foissac prouve qu’il a bien abordé l’histoire des innombrables familles modestes de ce département, mais son dictionnaire n’a jamais vu le jour et cet ensemble reste inédit, souvent même illisible tant l’écriture du vieux chanoine s’est dégradée au fil des années …

Un autre chanoine, Edmond Albe (1861-1926), a lui aussi “goûté” à la généalogie mais pour une période ancienne qui ne permet pas de certitudes. Sa vraie passion, c’est l’histoire, et la publication de ses importantes recherches sur le Moyen Age quercinois vont en faire un médiéviste reconnu encore aujourd’hui. Ses généalogies relatives aux familles du pape Jean XXII, de ses cardinaux et évêques quercinois sont des modèles du genre par leur densité historique.

La période des années 1900 a vu la publication par Louis Esquieu de l’armorial quercynois. L’art héraldique, davantage réservé aux nobles et aux notables, a trouvé plus de supporters pour l’édition que la réalisation qu’un dictionnaire généalogique. Il faut dire que sous Louis XIV, l’enregistrement obligatoire moyennant finance, par d’Hozier et ses hommes, des armoiries de tous ces prétendants à la notabilité a bien facilité les choses.

L’Après-guerre a connu quelques généalogistes lotois et l’un d’entre eux a même participé à une des premières associations nationales dans les années Cinquante : le Centre d’Entraide Généalogique de France (CEGF) et son bulletin, La France généalogique. Finalement davantage attiré par l’histoire, il deviendra un grand historien du Quercy mais utilisant ici et là les filiations pour illustrer son texte.

Son ami Louis d’Alauzier (1893 -1985) en fera également partie et publiera deux articles. Il faudrait aussi citer Jean Calmon, secrétaire de la S.E.L., auteur de plusieurs généalogies, certaines publiées dans le Bulletin. Sa célèbre et irremplaçable Bibliographie du Lot recense d’ailleurs un nombre non négligeable de généalogies manuscrites ou publiées.

Parmi les chercheurs qui ont énormément travaillé depuis 30 ou 40 ans dans le domaine de l’histoire des familles, il faut citer Tibor Pataki, Georges Thonnat et Jean Delaporte.

Tibor Pataki par son immense travail d’analyse de documents relatifs à l’ancienne vicomté de Turenne a rendu accessible au lecteur, même débutant, un matériel qu’il n’aurait pu découvrir seul : transcription de 8 registres paroissiaux 16-18° s, de milliers d’actes notariés, d’enregistrements, etc. pour livrer en fin de compte au chercheur des milliers de fiches familiales comportant des filiations sur 4 ou 5 générations de familles originaires de la vicomté par delà la limite administrative des départements du Lot et de la Corrèze.

Il faut citer aussi les reconnaissances aux vicomtes de Turenne du 12 au 15° s. publiées dans le B.S.E.L. et qui permettent de connaître des centaines de noms de petits seigneurs fonciers, bourgeois et marchands de ces lieux à une époque aussi reculée.

Georges Thonnat a publié à compte d’auteur il y a une dizaine d’années le fruit de ses investigations. Cet ouvrage remarquable, s’intéresse certes surtout à des familles notables du Haut-Quercy, mais il démontre si besoin était, comment ces lignées sont imbriquées à l’infini dans la multitude des familles modestes de ce terroir.

Jean Delaporte (+ 1987) est un généalogiste typique de la fin du 20° s. C’est en effectuant sa propre généalogie qu’il a pensé à rendre plus efficace sa recherche et aussi celle des autres. Il a trouvé utile d’établir 7 tables de mariages de paroisses du nord-est du Lot et des fiches filiatives qui sont aujourd’hui un trésor pour quiconque a des ancêtres dans cette région. Il était membre du CEGF dont le siège est à Paris.

Passons des individus isolés aux tentatives d’organisation. A Cahors, dans les années 80 la fréquentation des Archives Départementales augmente très sensiblement. Un vaste projet de rénovation et d’agrandissement des locaux a abouti mais va entraîner la fermeture pendant 18 mois.

En janvier 1990, avec l’appui du conservateur, une première réunion regroupe à la M.J.C. une dizaine de passionnés pour envisager la création d’une association spécifique et définir des objectifs : échange de renseignements localement et avec les chercheurs éloignés, relevés systématiques sur registres paroissiaux, organisation d’expositions, de conférences et autres manifestations.

Il est décidé d’éditer un bulletin de liaison avec les moyens du bord : feuille mensuelle recto-verso saisie sur Macintosh et photocopiée dans une salle paroissiale ! avec les traditionnelles rubriques “Entraide” et “Questions/réponses”. La circulaire est distribuée aux présents et envoyée à quiconque fournit les enveloppes timbrées réglementaires : tirage 20 à 25 exemplaires… Les 14 premiers numéros paraissent ainsi de février 1990 à juin 1991.

Depuis l’été 1989, un Parisien ayant des origines entre Lot et Cantal organisait des réunions de famille VERMEIL à Labastide-du-Haut-Mont dans le nord du département auxquelles participaient un couple de Cadurciens allié. Les liens se sont tissés également au cours d’échanges de recherches entre Paris et Cahors, des projets ont été échafaudés.

En septembre 1991, les Parisiens sont les plus rapides sur le plan administratif ! Les statuts d’une association (l’A.R.H.FA) sont déposés à Noisy-le-Grand (Seine-St-Denis) épicentre d’un groupe de Lotois “exilés” et d’autres passionnés de recherches. Un bulletin étoffé commence à paraître en décembre 91 (40 à 60 pages par trimestre).

Les adhésions arrivent du Lot et aussi d’autres départements, le caractère spécifiquement lotois n’est pas un préalable. Les circulaires du groupe organisé à Cahors sont reprises intégralement ainsi que tous les articles en provenant. Depuis lors, les réunions mensuelles se succèdent et le nombre de présents ne cessent de grossir à Cahors pour atteindre la trentaine en juin 98.

Des conférences sont également organisées tous les ans grâce à l’aide d’historiens comme Françoise Auricoste, le Dr Massé de Bordeaux (histoire des chirurgiens), M. Lacoste-Lagrange, etc. La réunion estivale a rassemblé plus de 40 personnes cette année à Labastide-Murat ; avant le repas, furent présentés et remis au maire, Monsieur Bonnet, les tables de baptêmes, mariages et décès de cette paroisse de 1627 à 1800.

Le bulletin trimestriel de l’A.R.H.FA a grossi au point de comporter en moyenne 150 pages dont un tiers environ concerne la généalogie dans le Lot. Les contacts avec les associations soeurs de Corrèze et de l’Aveyron sont réguliers : présence de représentants aux réunions mensuelles, réunions conviviales de visites touristiques et d’échanges généalogiques en principe une fois par an à tour de rôle (nos ancêtres ne tenaient pas compte des frontières administratives pour se marier…).

Dans d’autres villes du Lot des associations d’histoire locale ont vu se créer des sections généalogie. Ainsi celle des Amis du Vieux Souillac (20), avec M. et Mme Jean Cros, a réalisé la transcription complète des registres paroissiaux de Souillac dont la table des mariages a paru en décembre 1995 dans le bulletin de l’A.R.H.FA.

Cette section continue aujourd’hui ses activités propres comme la transcription de l’ancien compoix du 17° s. La réunion d’été de l’A.R.H.FA s’y est déroulée en août 1995. Les Amis du Passé de St-Céré ont aussi une équipe de généalogistes qui a entrepris la transcription des actes de mariage de leur ville, le bulletin semestriel en publie les tables au fur et à mesure.

Dans le sud, l’association culturelle de Castelnau-Montratier a aussi sa mini-section de généalogie et un de ses membres s’activent à dépouiller les registres paroissiaux.

Ph. Deladerrière