FRAYSSINET-LE-GÉLAT est une commune située sur la Thèze et sur l’ancienne RN660 à 32 km au Nord-Ouest de Cahors.

Le 21 mai 1944, la 2e division SS Das Reich – qui allait perpétrer les tueries de Tulle et d’Oradour-sur-Glane – investit le village de Frayssinet-le-Gélat soupçonné d’abriter un important groupe de résistance. Vers 17 heures, deux colonnes venant de Villefranche-du-Périgord traversent le village et s’arrêtent sur la route de Cahors.

A 18 heures 30, une dernière colonne arrivant de Fumel stoppe au cœur du bourg. Tous les hommes sont rassemblés sur la place du village, les lignes téléphoniques sont coupées. Trois femmes sont pendues et onze hommes sont fusillés.

Un monument à la gloire des victimes de la barbarie nazie a été érigé sur la place du village, avec comme épitaphe : Aux martyrs de la barbarie nazie – 21 mai 1944, Souvenez vous

Le 21 mai 1944, vers 17 heures, deux colonnes allemandes venant de Villefranche-du-Périgord et La Thèze traversent Frayssinet et vont s’arrêter sur la route de Cahors à quelques centaines de mètres du bourg.

A 18 h 30, une troisième colonne arrive de Fumel, où à Lacapelle, à Lassalle, ils avaient déjà semé la terreur.

Les camions à peine arrêtés, des soldats sautent et se précipitent dans les maisons qu’ils fouillent méticuleusement. Le tambour passe, intimant aux hommes l’ordre de se rendre sur la place, sans délai.

La ligne téléphonique est immédiatement coupée, les poteaux renversés par les automitrailleuses, les isolateurs descendus à coups de mousqueton. Les hommes du village, bras en l’air, sont fouillés, certains brutalement battus. Les briquets, les couteaux sont confisqués. Puis commence la vérification des identités.

A ce moment, un coup de feu retentit. Il est parti de la maison Lugan, dans laquelle un groupe de soldats allemands essaie de pénétrer. Un soldat tombe. S’agit-il d’une mise en scène ou est-il réellement touché ? Aussitôt, les allemands se ruent dans les maisons. Femmes, enfants, vieillards vont rejoindre les hommes. Les maisons sont pillées (postes, vélos sont chargés sur les camions. C’est à ce moment que la maison Lugan, complètement vidée, est incendiée).

Les mitrailleuses sont braquées sur la population qui est gardée sur la place par des centaines de soldats allemands, l’arme au poing. Les civilisateurs de Pétain suspendent une corde à la console électrique de la maison Delord, en face le Monument aux Morts. Cette corde est passée au cou de Mme Agathe Pail­hès, une femme de 80 ans !  Les enfants sont conduits dans l’église.

Le porte-parole des brutes nazis s’écrie :

« Une femme a tué un Allemand. Si, dans dix minutes, la coupable n’est pas dénoncée, vous êtes tous morts. » Personne ne savait. Tout le monde se taisait. Seule, Yvonne Vidilles, une pauvre malade, continuait à parler.

Mme Wagner, l’institutrice, femme d’un G.M.R. milicien, s’avance et dit aux allemands : « Prenez-la. Elle a des armes chez elle. » Yvonne Vidilles, par les cheveux, est amenée chez elle et abattue à coups de revolver.

Pendant ce temps, Mme Agathe Pailhès est pendue, puis traînée, et finalement jetée dans les flammes. Un groupe de quelques soldats vient montrer à un officier deux revolvers et des balles qui avaient été trouvés chez Bariéty, mouchard officiel. Bariéty s’avance, montre les papiers et rejoint sa place !

L’interprète hurle : « Il devait y avoir, ce soir, à Frayssinet, une réunion de terroristes. Vous le savez. Si vous ne le dites pas, vous êtes tous fusillés. » (Il n’y avait pas, à Frayssinet, un seul Maquis !)

Les soldats allemands font alors un tri parmi les hommes. Une vingtaine sont dési­gnés, séparés de la foule et placés devant la maison Delord. Neuf seront relâ­chés. Les deux nièces de Mme Pailhès, Juliette Balet et Marguerite Badourès, sont pendues.

Dix hommes, choisis parmi les plus beaux, sont désignés. La population, qui était rassemblée autour du Monument aux Morts, est forcée de se rap­procher de l’église pour assister au massacre. Quelques hommes essaient d’intervenir, mais ils sont battus.

Vers 21 heures, cinq par cinq, les otages sont amenés à côté de l’église, et. presque à bout portant, cinq mousquetons et deux mitraillettes tuent !

Les cinq premiers : Mourgues Gaston, 51 ans ; Verlhac Georges, 23 ans ; Mourgues Guy, 19 ans ; Coudre Edmond, 23 ans ; Lemaître Henri, 21 ans. Les cinq autres : Musqui Elisée, 31 ans ; Delmas Edouard, 40 ans ; Marmier Gaston, 20 ans ; Soulié Gabriel, 40 ans ; Mandés da Cougna Joaquim, 30 ans.

Musqui qui, au gré des soldats allemands ne se pressait pas pour aller se placer devant les camarades morts, reçut un coup de crosse dans le dos. Tous sont morts très courageusement. Dans l’intervalle des deux fusillades, Georges Lafon tente de s’enfuir, tombe à 150 mètres ; son cadavre est mutilé : crâne enfoncé, yeux arrachés.

Les hommes sont morts depuis quelques minutes à peine lorsque, sans que personne ne puisse dire d’où il arrive, Wagner, le G.M.R. milicien, est au gar­de-à-vous, devant l’officier allemand, avec lequel, ensuite, il discute. Il lui offre même des cigarettes !

Il s’avance vers le « tas » des morts qu’il regarde en souriant sadiquement. Les femmes et les enfants doivent alors rentrer après être passés devant leurs morts vers lesquels ils ne peuvent même pas se pencher : il y a la menace des coups de crosse.

Les hommes, 52 sur 64, vont enterrer les victimes. A ce moment-là, Wagner parlemente avec l’officier allemand, et son beau-père Borie avec toute sa famille rentre chez lui. Vers 22 heures, les assassinés sont mis sur une charrette qui les porte au cimetière où ils sont d’abord fouillés. On leur prend tout : alliances, portefeuilles, montres. Le cimetière est cerné par une centaine de soldats allemands qui, de temps à autre, tirent des coups de mitraillette.

Sous menace de mort, la fosse doit être creusée en deux heures, dans l’obs­curité, sans parler, sans pleurer. A minuit, les cadavres sont ensevelis dans la fosse commune. Les survivants sont enfermés dans l’église jusqu’au lendemain 10 heures.

Pendant la nuit, le pillage des maisons abandonnées (beaucoup de femmes et d’enfants ont passé la nuit dans les bois) se poursuit. Tous les objets de valeur : bijoux, cuir, linge, etc., et beaucoup de provisions sont volés. La Croix-Rouge est dévalisée. Les colis destinés aux prisonniers, qui avaient été préparés le dimanche après-midi, sont ouverts.

Un certain nombre d’officiers allemands passent la nuit chez Wagner, à la maison d’école. Borie, père de l’institutrice, est aussi présent. Et là, c’est l’orgie avec les provisions volées. La femme Wagner s’en vantait le lendemain.

Le lundi 22 mai, à 10 h 30 départ du dernier camion allemand. Ordre avait été donné, sous menace d’avoir à faire disparatre les traces de sang, d’éteindre l’incendie, et, surtout défense d’aller au cimetière.

Nous devons à la vérité de dire qu’une personne s’est offerte, pour remplacer les otages. C’était mal connaitre les soldats allemands car depuis quelques mois, Frayssinet sentait que des mouchards travaillaient. Nous apporterons les preuves formelles, le moment venu.

Il y avait, dans ce village paisible, trois mouchards : Wagner, sa femme et Bariéty. Wagner, sa femme et Bariéty ont expié leur crime. La justice du Maquis est passée[i].

Frayssinet-le-Gélat, 1er nov. 1944, Etienne Verlhac, père de Georges, fusillé.

Extrait de Ombres et Espérances en Quercy, R. Picard et J. Chaussade, Les Editions de la Bouriane, Gourdon.

PS : Dans cette reprise du texte, le mot « boche » a été volontairement remplacé par « allemand » ou bien « soldat allemand »

Selon Guy Penaud, dans son ouvrage La “Das Reich”, p. 99, (La Lauze, 2005) : Le capitaine SS Otto Erich Kahn (à l’origine du massacre) sera condamné à mort par contumace par le tribunal militaire de Bordeaux, le 15 février 1949, pour le massacre perpétué à Frayssinet-le-Gélat.

[i] Selon Gilbert Verdier, dans Ma résistance (2003) pp. 150 et 151 : « Dès que la nouvelle du martyre de Frayssinet-le-Gélat fut connue et, avec elle, l’ignominieuse conduite du couple W., le tribunal clandestin F.T.P. décida de leur extermination. L’équipe de sécurité en fut chargée. Pourtant cette mission ne fut que partiellement remplie : W. n’était pas à l’école quand nous avons procédé à l’arrestation de son épouse. Avait-il rejoint son cantonnement ? Il n’allait pas tarder à revenir dans le secteur, sans doute informé de ce qui était arrivé à sa femme. Et là, il fut repéré par un groupe de maquisards établi dans la contrée, arrêté et exécuté à son tour. ».

 

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