« J’ai essayé de peindre le peuple de nos provinces tel qu’il était, il y a plus d’un demisiècle (1815), avant que la civilisation eût passé sur elle son rouleau : les mœurs, les coutumes
locales, les sentiments, les préjugés nationaux, les divertissements, les costumes, le langage
du temps, l’aspect d’un pays d’autant plus pittoresque que déshérité de routes, de travaux
d’art, de relations commerciales, tout y était resté sous la main de la nature. J’ai tâché de
tout reconstruire. Ma figure principale est celle d’un paysan auquel j’ai donné la force, l’énergie et l’ardeur, caractères remarquables de la race quercynoise venue au soleil sur un sol
tourmenté. Autour de lui, j’ai groupé les types les plus originaux d’une contrée essentiellement populaire. Enfin, je n’ai pu laisser dans l’ombre les influences propagées dans les campagnes les plus reculées par les agitations politiques de l’époque, et ma bonne fortune a voulu que, sans mentir à l’histoire, je puisse rattacher les fils de ma légende à la plus illustre victime de la réaction royaliste, en 1815, le maréchal Ney. En effet, peu de gens ignorent que c’est dans le département du Lot que le héros de tant de combats était venu chercher un refuge, lorsqu’il fut arrêté et livré à ses ennemis… »

ÉDOUARD ARMAND, Cahors le 31 décembre 1872