Un cheval, un jeune et beau cavalier sifflotant sur le chemin de Thémines, voilà comment commence mon histoire. Une vieille “fatsilière”, noire et ridée, une de ces antiques fées gauloises, l’arrête en saisissant la bride de son cheval. La vieille réclame un baiser.

– “Ne la contrarions pas”, se dit le chevalier. Il en est aussitôt récompensé car la vieille fée satisfaite lui tend alors une superbe turquoise.
– “Donne-la à la dame de tes pensées et quand tu seras en danger, la pierre pâlira et conduira ta mie, saine et sauve, là où tu seras.”

Le chevalier des Arnis, puisque tel est son nom, s’empressa d’obéir à la “fatsilière” bienfaisante et passa la bague au doigt de sa fiancée Gayette.A quelques temps de là, par un chaud après-midi d’été, il voulut se désaltérer dans les eaux fraîches et limpides de la rivière Ouysse. C’est alors qu’une force inconnue l’entraîna vers le fond et qu’il se trouva bientôt au milieu d’ondines forts jolies entourant un trône où siégeait la plus belle d’entre elles.
– “Je suis la fée de l’Ouysse” dit-elle.
– “Tu es mon prisonnier ; à moins que tu ne me donnes un baiser, qui, seul, pourra rompre le sortilège qui me tient enfermée ici.”
– “Dame, je ne trahirai pas ma mie !”
– “Eh bien ! qu’on l’enferme !”
Et le chevalier se retrouva au fond d’une prison sombre et humide. C’est alors, qu’au doigt de son amie, la turquoise pâlit et qu’une force magique la guide vers la rivière puis l’entraîne jusqu’au fond. A sa vue, la fée de l’Ouysse entre dans une violente colère et, comme la jeune fille ose lui réclamer son fiancé, elle la fait jeter avec lui au fond du même cachot. Il faut vous dire que cette fée de l’Ouysse, malgré sa très grande beauté, était une mauvaise fée punie par la reine des fées, pour avoir usé de ses pouvoirs fort méchamment.
Elle avait, en effet, causé la mort d’un jeune homme et de sa fiancée parce qu’il avait osé dédaigner son amour. Depuis, la reine des fées la tenait enfermée sous l’eau, sans voir le jour, aussi sa colère était-elle grande et ne laissait place à aucune pitié pour les deux jeunes gens. Ceux-ci, persuadés qu’ils ne pourraient l’infléchir, entreprirent de s’enfuir de leur sombre cachot ; mais en vain ; la méchante fée les rattrapa et lance au poing voulut tuer le chevalier désarmé. Mais, sa fiancée, courageusement, s’interposa. La fée, stupéfaite, d’un tel courage, attendrie par cette preuve d’amour, lâcha sa lance. Le chevalier, soulagé, heureux qu’elle ait ainsi épargné son amie, lui donna aussitôt un baiser spontané et reconnaissant.

Le maléfice avait pris fin ; la pitié avait pénétré dans le coeur de la fée de l’Ouysse qui pouvait enfin ressortir à l’air libre, jurant qu’elle ne recommencerait jamais, tandis que les jeunes gens, heureux, s’en allaient vers leur bonheur terrestre.