Ce premier article, signé Catherine David, architecte spécialisée en patrimoine paysager, est une réflexion glanée au fil des ballades. Elle est à l’origine de l’une de ses conférences « Epouser la roche ».

Perdu de vue
A la fin des années 80, faisant régulièrement la route Cahors-Sarlat, je me réjouissais à l’idée de revoir le motif pittoresque d’un petit manoir accouplé à un gros rocher oublié par l’érosion au milieu de la pente d’un coteau.
Une vue insolite et peu courante dans le département. Une bâtisse d’allure périgourdine adossée à un roc solitaire que n’aurait pas dédaigné un peintre chinois.
La masse minérale avait la force tranquille d’un animal antédiluvien pétrifié. Le bâti dialoguait de façon peu courante avec la roche. Il ne la coiffait pas. Il ne s’y collait pas. Il ne donnait pas l’impression de la dompter. Il s’y associait par les vestiges de courtes murailles contribuant à fermer une petit cour. Une respiration bienvenue qui libérait la forme sculpturale du rocher avec sa tête imposante tournée vers le spectateur, le rythme décroissant de ses fragments et les profondes rides imprimées par le temps.
La petite construction sophistiquée, image d’un modeste manoir idéal posé en queue de rocher, semblait juste réclamer la caution aristocratique de ce monument minéral. La roche, elle, s’inclinait légèrement pour protéger la cour… ou faire sa cour à l’édifice.

Image d’un vieux couple atypique qui se tenait discrètement par la main, le roc immuable et la construction en ruine, vieille dame délabrée mais dont on voyait qu’elle avait de beaux restes et pouvait encore faire de la figuration.
Un motif digne d’une carte postale, momentanément dissimulé par les écrans boisés. Mais entre-temps un énorme pylône élevé en premier plan lui a volé la préséance.
Cette vue était importante pour trois raisons. Son coté exceptionnel de motif insolite et pittoresque et le fait qu’elle illustrait non seulement la question de la valeur symbolique et sociale de la roche au Moyen Age mais aussi un vrai savoir-bâtir avec les reliefs que nous avons perdu.
Mai 2019, Catherine David, architecte spécialisée en patrimoine paysager, membre de l’ASMPQ.

NB – Ce repaire est documenté par un texte et une photographie page 281 dans l’ouvrage « Archives de pierre, Donjons et châteaux du Moyen Age dans la Lot », G. Séraphin – éditions Midi-pyrénéennes – 2014

Article publié avec le concours de l’ASMPQ, partenaire de Quercy net