Un PEN en est un s’il s’agit d’un jardin.  Mystères du latin des notaires de Montcuq au Moyen-Age !

PEN est un vieux mot descriptif de formes du relief, un « fossile » linguistique, paléo-linguistique disent les spécialistes, toujours vivant en Occitan local.
A St-Pantaléon, Feu Mr Laniès, décédé il y a peu, désignait ainsi les « têtes » de causses formant des “Pechs», des «hauteurs dominantes», avançant vers la Vallée de la (Petite) Barguelonne et surplombant celle-ci. A St-Géniès la butte calcaire, très aride, portant le vieux castel des sires locaux médiévaux porte toujours le nom de Penne, écrit en Oc ancien tantôt  “Penna” (Pénno en Oc parlé) ou, très souvent dans les vieux actes, «PEN».

Pour les linguistes et historiens-linguistes «PEN» est un mot, une forme » chargée de sens, vivante en Occitan où elle s’est conservée mais qui nous vient des langues de la Préhistoire et des premiers agriculteurs-éleveurs, des plus anciens Paysans du Grand Sud de la France actuelle et de tout le Bassin Méditerranéen. Langues auxquelles appartient, par exemple, le mot CUQ, nom primitif de la hauteur isolée à sommet rocheux et rond comme un crâne (une butte-témoin pour les géographes) qui devint «MONT CUQ» aux temps des Comtes de Toulouse et Quercy (850-1249).

Un «PEN», butte aride et rocheuse, dépourvue de sols cultivables, est donc tout sauf un site propice au jardinage maraîcher. Or, c’est précisément ainsi que les vieux notaires d’Ancien Régime et du Moyen-Age désignaient à Montcuq, MAIS SEULEMENT au Bàrri de Nârcés(dont le nom signifie «lieu aux sols gorgés d’eaux», chose très vraie à Nârcés !), les jardins aux bonnes terres cultivables et aux sols riches en eaux et en sources, et jardins clos de murs de pierres sèches.

Les vieux actes concernent des jardins alors sis à droite, en descendant vers «St-Jean», de l’actuelle «Rue du Faubourg de Nârcés» alors dite «Carriera Vielha» del Bàrri de Nârcés (Carriéro byélyo en Oc parlé, accent tonique à l’espagnole ou à l’italienne). Ces jardins s’étendaient dans la Combe del Rîu de Léyret (RÎw dé Léyrétt) 1, petit cours d’eau intermittent, saisonnier, hivernal, naissant, surgissant périodiquement et coulant dans ce qui est devenu un chemin passant en contre-bas et à l’ouest du Centre Médico-Social et de l’Espace d’Animation et ruisseau descendant vers la Petite Barguelonne (qu’il rejoint au Pont de Belle Dent , lorsque l’on va vers Gàyrac).

On est donc là en aires de bonnes terres agricoles et riches en eaux que draine ce ruisseau. Or les notaires appellent PENs (BUTTES ROCHEUSES arides, impropres à la culture), les jardins gras et fertiles établis en cette combe ! Mystère du vocabulaire technique des habitants de Montcuq qui y avaient là des jardins ? Terme propre au vocabulaire juridique donc de sens précis et créateur de Droits et d’obligations, des notaires ? Questions de Droit Privé Ancien dans un pays régi par la Charte des Coutumes de Montcuq et par le Droit Romain ?

Pour les linguistes, ce pourrait être un terme UNIQUE rencontré UNE SEULE FOIS ou DANS UN SEUL LIEU et avec un sens inconnu ailleurs. On appelle cela un «HAPAX»… Lisant quelques pages de l’ouvrage d’Andrew Lewis sur les Capétiens et la Formation de l’Etat Royal Dynastique, intitulé «le Sang Royal», je suis tombé sur une citation qui pourrait être éclairante. Les scribes de la Chancellerie Royale, en Latin des Pays d’OÏL (Île-de-France) écrivaient parfois «appenagium» pour «apanagium» (apanage : terres ,droits seigneuriaux du Domaine Royal concédés par le Roi à ses fils cadets ou à ses frères). Appenagium révèle une étymologie latine en «ad Penagium», littéralement «POUR LE PENage, à Titre de PENage». Un «Penagium» était donc, les latinistes acquiesceront sans réticence, un «ensemble de droits» établis, centrés sur un «PEN». «PEN» était donc en vocabulaire des juristes médiévaux du Moult Doulx. L’origine est là aussi bien plus ancienne que l’Occitan ,le Latin, le Gaulois, on dit de ces mots (PEN, CUQ, LIGER) qu’ils sont “pré-indoeuropéen”. Ils furent ceux de langues répandues dans tout notre Grand Sud et dont il nous reste le “BASQUE” ! Ce furent les parlers des populations dites Ibéro-aquitaines qui s’étendaient jusqu’à la Loire ou presque… Royaulme de Francia Occidentalis le noyau fondateur, la base, le fondement, d’un «CORPUS» de DROITS réservés aux héritiers secondaires d’un Patrimoine, aux CADETS ainsi investis de biens et droits à eux laissés par leur père ou par leur frère aîné.

L’introduction de cette «institution» de Droit Privé en Pays d’Oc et ici à MONTCUQ et seulement au Bàrri (Quartier/Faubourg) de Nârcés n’est pas sans ouvrir bien des perspectives…

Cette «institution» est -elle «indigène» ? Propre à ce lieu ou introduite ?

S’agirait-il d’un legs paléo-juridique hérité de systèmes juridiques bien plus anciens ? Normes, coutumes, pratiques des Ibéro-Aquitains proto-historiques ? Ne souriez pas ! Les généalogistes et notaires actuels ont remarqué la persistance et rémanence en nos pays Carcinols de coutumes juridiques successorales propres aux populations ibériques anciennes et toujours observées en Gascogne (entre Garonne et Pyrénées ) et Pyrénées du Roussillon au Pays Basque et à la Galice : les filles aînées héritent de tout le «Patrimoine» (qui est plutôt là un «Matrimoine» !) et reprennent alors le nom de leur grand-mère maternelle : les biens se transmettent en ligne féminine….

S’agirait-il d’une application au droit privé local de pratiques imitées de celles des Capétiens ? OR déjà les COMTES Raymondéncs de Toulouse, seigneurs directs (et SOUVERAINS) de Montcuq pratiquaient l’institution d’apanages («appenagium» ?) en faveur de leurs fils et frères cadets (légitimes ou pas) : origine des Vicomtes de Toulouse-Bruniquel-Monclar (éteints fin 17ème siècle) et même de leurs filles et soeurs… (origine, indirecte, des vicomtes de Toulouse-Lautrec)

On aurait donc là, peut-être, à Montcuq, indice de la pratique de l’institution d’héritiers secondaires investis de biens concédés aux cadets et imputés sur le patrimoine principal laissé par le “Pater Familias”…

Affaire à creuser davantage…

F-X Nardou, Montcuq, 17 Août 2020.

 

1 Ce ruisseau, dont le nom est de même étymologie et sens que «Loiret», le Petit Loir, le Petit Liger latin (Liger à prononcer “Liguèrr”, pas «Lijé» !)