sculpteur du respect de l’homme et de la rue

Montauban, 1861 –
Le Vesinet, 1929

Autoportrait à 60 ans, bronze (1925),
Stèle du square du Général Picard à Montauban.
Le buste de Bourdelle par Jackie Savy.
Ce buste a été réalisé à l’occasion
du prix Bourdelle 1996.

Lycée Bourdelle à Montauban.

Émile-Antoine BOURDELLE est né à Montauban, le 30 octobre 1861, ville à laquelle il restera très attaché tout au long de sa vie.

Son père, Antoine Bourdelle, était menuisier-huchier. Son fils apprendra de lui le courage et la capacité d’affronter la matière et de lui donner forme. Pour lui comme pour sa mère, Bourdelle conservera toujours un immense attachement.

Bourdelle ne s’attarde pas à l’école. A treize ans, il préfère assister son père. C’est le début de sa contribution à la vie familiale, contribution qui se poursuivra lorsque dans les ateliers de l’impasse du Maine, le sculpteur accueillera ses parents. De cette époque date sa première création connue : une statuette de faune ornant un bahut. Elle fit l’admiration de tous et Bourdelle ne tarda pas à se faire remarquer par deux personnalités de la ville, Hyppolite Lacaze et l’écrivain Emile Pouvillon. Il entreprend alors de suivre les cours de l’école municipale de dessin sous la direction d’Achille Bouis.

En 1876, grâce à Lacaze et Pouvillon, il obtient une bourse pour les Beaux-Arts de Toulouse. Les années passées à Toulouse sont marquées par une profonde solitude. Cette solitude fut cependant féconde, car dès 1880, on peut recenser les premières sculptures signées et datées du jeune artiste : ce sont par exemple les trois Têtes d’enfants et, entre 1881 et 18883, des portraits tels que ceux d’Achille Bouis ou Emile Pouvillon.

En 1884, grâce aux pensions obtenues à Montauban et à à Toulouse, Bourdelle rejoint Paris où entre dans l’atelier de Falguière, à l’Ecole des Beaux-Arts. A Paris, capitale de l’art européen, la sculpture y est alors dominée par Rodin, dont Bourdelle va bientôt devenir un collaborateur et un ami. Il s’installe dès 1884 dans le modeste atelier de l’impasse du Maine.

En 1885 le jeune sculpteur envoie au Salon des Artistes Français la Première Victoire d’Hannibal, pour laquelle il obtient une mention honorable. Bourdelle poursuit son effort, mais, épuisé, il tombe soudain gravement malade et doit être hospitalisé.

Après une convalescence à Montauban, Bourdelle retrouve bientôt santé et confiance. Mais il s’éloigne désormais de l’Ecole – ce dont il lui est fait reproche même par ses amis de Montauban -, conscient de la vanité de cet enseignement et des prix qui le couronnent. En 1886, alors qu’il crée l’Amour agonise, Bourdelle quitte finalement l’Ecole et Falguière. Telle est la voie de l’indépendance, mais c’est aussi celle de la difficulté, de la misère, car l’artiste se refuse aux travaux faciles et plaisants qui pourraient lui rapporter de quoi vivre dans l’aisance. Il s’inscrit en effet délibérément contre ce qu’il considère comme l’art bourgeois : “mon travail à moi c’est la rue, c’est la vie”, affirme-t-il.

Ses parents se sont installés avec lui impasse du Maine depuis 1886. A la mort de sa mère, en 1887, il souffre grandement. Chez Bourdelle, la puissance créative est trop forte pour que la difficulté, le deuil, ne viennent pas alimenter d’un feu plus puissant encore l’œuvre en élaboration.

1888 est l’année où apparaît un motif récurrent dans l’œuvre de Bourdelle: c’est le portrait de Beethoven.

A travers ce travail une maturation s’accomplit ; l’essor est proche. Avec l’Adam du Salon de 1889, on pressent la gloire du jeune sculpteur. Il expose dans le caveau artistique de la Closerie des Lilas et suscite déjà des critiques enthousiastes mais aussi de nombreuses réserves. En 1891 le jeune homme expose pour la première fois au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts.

Bourdelle l’indépendant trouve de nouveaux maîtres, qui seront plutôt pour lui des compagnons, car il se porte aisément à leur hauteur : il fréquente l’atelier de Dalou impasse du Maine, et en 1893, entame sa collaboration avec Rodin qui l’engage comme praticien. Enfin, en 1897, comme un encouragement au moment crucial de l’envol, Montauban lui témoigne sa confiance en lui commandant le Monument aux Combattants de 1870.

Le musée Ingres à Montauban, qui abrite les œuvres de ce sculpteur est situé presque en face de sa maison natale.

Avec le tournant du siècle s’affirme l’indépendance de Bourdelle vis-à-vis de Rodin. Cette évolution est notamment manifeste dans la Tête d’Apollon. En 1900, c’est pourtant encore avec Rodin – et Desbois – que Bourdelle fonde l’institut Rodin, école libre pour l’enseignement de la sculpture. Parallèlement à cette activité pédagogique qu’il développera largement par la suite et dans laquelle il ne tardera pas à s’épanouir, il continue d’exposer régulièrement à la Société Nationale des Beaux-Arts (La Guerre-figures hurlantes, en 1899). Parmi un nombre grandissant de commandes, il réalise Les Nuées, relief destiné au dessus-de-scène du Musée Grévin.

 

Ludwig van Beethoven. Ce bronze a été fondu par la Fonderie d’art Association ouvrière d’après le plâtre exposé en 1902 au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. Paris, Musée d’Orsay Beethoven, tête (Bronze),
Paris, Jardin du Luxembourg
Sculpture (Statue), Bronze doré,
2,47 m x 2,48 m x 1,23 m, 1909, Paris, Musée d’Orsay
Buste de Rodin, bronze, 1913, Paris,
Musée Rodin, Hôtel Biron
.

L’année suivante voit la naissance de Pierre, fils de Bourdelle et de Stephanie Van Parys, qu’il épousera le 22 Mars 1904. Au quotidien, Bourdelle se montre un père attendri – il porte une blouse d’ouvrier et ne soigne guère ses vêtements. Levé tôt, il commence à l’aube son travail et oublie bien des fois l’heure des repas. (…) lors des vacances passées dans son pays, (…) il est gai, exubérant, courtois et galant. Il aime les bonnes farces et s’amuse les jours de vendange à barbouiller les visages des filles – et un bon époux , mais l’atmosphère domestique devient rapidement orageuse. En témoignent des œuvres telles que Le Ménage Bourdelle, l’ouragan, ou M et Mme Bourdelle par temps d’orage…

Auguste Quercy, bronze (1911), Ecrivain montalbanais,
conseiller municipal, ami de Bourdelle, il le soutint souvent.
Mort le 25 janvier 1899, Bourdelle fit son buste en 1911 pour la ville de Montauban.
Jardin de Plantes de Montauban.

Autour de Bourdelle s’est formé un cercle de fidèles qui lui apportent soutien et amitié : Félicien Champsaur, Marie Bermond, Jean Moréas, Elie Faure, ou encore Jules Dalou.
La reconnaissance, à une échelle plus importante, survient enfin en 1902 avec l’inauguration du Hommage aux morts, aux combattants et défenseurs du Tarn-et-Garonne 1870-1871 de Montauban, présenté précédemment à la Société Nationale des Beaux-Arts, et en 1905 avec la première
Auguste Quercy, bronze (1911), Ecrivain montalbanais, conseiller municipal, ami de Bourdelle, il le soutint souvent. Mort le 25 janvier 1899, Bourdelle fit son buste en 1911 pour la ville de Montauban. Jardin de Plantes de Montauban.
exposition personnelle de Bourdelle à la galerie du fondeur Hébrard : il y réunit 38 sculptures, 18 peintures et 21 dessins.

La même année il expose encore à la Société Nationale des Beaux-Arts (Pallas en marbre), et au Salon d’Automne (dont la Pallas en bronze).

En 1906, l’année où meurt son père, Bourdelle rencontre Cléopâtre Sevastos, qui deviendra sa femme. Il fait de nombreux séjours à l’étranger qui témoignent de l’intérêt qu’il suscite en dehors de son pays : en 1907 il est à Berlin et Genève, et en 1908, en Pologne comme membre d’un jury pour l’érection d’un monument à Chopin.

 

Sculptures dans la ville : La France, monument dédié
aux volontaires de la France libre tombés en 1940-1945,

Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.
Centaure mourant, état inter-définitif, bronze, 1914,
Paris, Musée Bourdelle.
Hommage aux morts, aux combattants
et serviteurs du Tarn-et-Garonne 1870-1871,
bronze et granit (1895 – 1902). Près du
Pont Vieux et du Musée Ingres à Montauban

Son plein épanouissement correspond au moment où il commence à enseigner. En 1909, il entreprend de donner des cours à l’Académie de la Grande Chaumière, développant ainsi l’un des aspects principaux de sa personnalité. Ses élèves sont nombreux et parmi eux certains deviendront des maîtres reconnus : Giacometti, Germaine Richier… Par ailleurs, la reconnaissance qu’il attendait, est désormais officielle et internationale : en témoignent en 1909 sa nomination au grade de Chevalier de la Légion d’honneur et une exposition à Prague.

Ces années sont enfin celles de la production la plus intense du maître. Il réalise en une nuit les projets pour la façade du Théâtre des Champs-Elysées, travaille en même temps au Centaure mourant, à la statue de Carpeaux, au Monument à Auguste Quercy (écrivain montalbanais, conseiller municipal), et réalise son chef-d’œuvre le plus fameux : en 1910, l’Héraklès (bronze, première version) est exposé à la Société Nationale des Beaux Arts, avec le Buste de Rodin. Il y connaît un immense succès.

La vie privée du sculpteur connaît quant à elle des remous décisifs : Bourdelle se sépare de sa première femme Stéphanie et se marie avec Cléo (Cléopâtre Sevastos), qui lui donne une fille, Rhodia, en 1911. L’année suivante le bronze du Fruit est exposé à la Société Nationale des Beaux-Arts.

Un an plus tard, Bourdelle présente le plâtre de Pénélope, et termine la maquette du Monument à Mickiewicz, qui ne sera inauguré que dix-sept ans plus tard. En 1913 s’achève le chantier du Théâtre des Champs-Elysées. Avec ces bas-reliefs et ces frises peintes aux sujets d’inspiration mythologique, Bourdelle réalise son idéal d’un art structural, dans lequel le décor est soumis aux lois de l’architecture. Ses recherches sur le monumental se poursuivent avec la commande du Monument à Alvear, la plus importante qu’il ait jamais reçue, puis en 1919 avec celles du Monument de Montceau-les-Mines et de la Vierge à l’offrande pour la colline de Niederbrück. Jusqu’à la fin de sa vie, Bourdelle élaborera encore de nombreux projets de monuments, mais qu’il n’aura pas le temps de réaliser (Monument à Daumier, au Maréchal Foch…).

E.A. Bourdelle à 18 ans,
Archives du Musée Ingres, Montauban.
Salle Bourdelle, Musée Ingres à Montauban.

L’année 1914 est marquée par l’éclatant succès que connaît Bourdelle à la Biennale de Venise et par la présentation du Centaure mourant à la Société Nationale des Beaux-Arts. En 1919, le sculpteur est promu au rang d’officier de la Légion d’Honneur. Tout en continuant d’exposer à la Société Nationale des Beaux-Arts, Bourdelle fonde en 1920 le salon des Tuileries.

Quatre ans plus tard, il est fait commandeur de la Légion d’Honneur. Il expose alors la Naissance d’Aphrodite au salon des Tuileries (frise en stuc coloré pour le dessus-de-scène de l’Opéra de Marseille), puis en 1925 à l’exposition internationale des Arts Décoratifs (Sapho, masque de Bourdelle), au Japon, et aux Etats-Unis. Le bronze du Centaure mourant est présenté au Salon des Tuileries.

Les dernières années de sa vie sont marquées par ses expérimentations autour de la polychromie. Les tentatives de Bourdelle restent en nombre limité; parmi elles on peut citer le bas-relief en stuc pour le dessus de scène de l’opéra de Marseille, les bustes d’Irène Millett, de Madame Mackiels, de la Chilienne, et la statuette de la Bacchante aux raisins.

Un an avant sa mort, Bourdelle connaît la consécration suprême.
Depuis quelques années, il est le plus reconnu des sculpteurs français, et sa gloire s’étend bien au-delà de la France et de l’Europe.
Sans doute est-il davantage encore admiré à l’étranger.

Ainsi, c’est à la Belgique, qui a toujours su voir en lui un artiste de premier plan, que revient l’initiative d’organiser la première rétrospective Bourdelle.
Elle est proposée à l’occasion de l’inauguration du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et comporte 141 sculptures et 78 peintures et dessins.

Mais la France l’honore aussi : le 28 Avril 1929 est enfin inauguré, place de l’Alma, le Monument à Mickiewicz. Après vingt ans d’attente, c’est l’ultime triomphe de Bourdelle à Paris.

Le 1er octobre 1929, Bourdelle meurt au Vésinet, chez son ami le fondeur Rudier.

 

LE MUSEE BOURDELLE A PARIS

 

Dans le quartier de Montparnasse, le musée Bourdelle offre un des rares exemples de ces ateliers d’artiste qui fleurissaient à la fin du XIXè et au début du XX’ siècle. Bourdelle s’y est installé en 1885. Il cherchait à poursuivre sa formation et sa carrière de sculpteur à Paris. Il y reste jusqu’à sa mort en 1929. C’est là que pendant plus de 40 ans il produit l’essentiel de son oeuvre.

A l’instar de Rodin chez qui il a été praticien, il songeait à “son musée”. Au début des années 30, Gabriel Cognacq avance l’argent nécessaire au rachat du terrain sans jamais demander d’être remboursé pour éviter la dispersion des oeuvres de Bourdelle et quelques années plus tard, en 1949, le musée est inauguré. Tout en préservant l’authenticité des lieux, les ateliers et les appartements sont restés intacts, les premiers travaux d’agrandissement sont réalisés en 1961 et, en 1992, l’extension de Christian de Portzamparc donne enfin au musée la possibilité de présenter l’oeuvre de Bourdelle dans sa globalité.

Plus de 500 œuvres sculptées en marbre, plâtre, bronze, matières polychromes, des peintures, des pastels, des cartons de fresque pour le théâtre des Champs Elysées ainsi que la collection personnelle de Bourdelle se répartissent dans les salles et les jardins du musée. Le but est de présenter l’oeuvre de Bourdelle de manière à montrer la variété et la puissance de création de celui-ci.

Des salles sont consacrées aux expositions temporaires que le musée organise plusieurs fois par an. Un atelier pédagogique accueille les groupes d’enfants qui, après la visite du musée, peuvent à leur tour réaliser une sculpture. Des séances de contes sont également organisées. Des visites commentées sont prévues pour les adultes ainsi que pour les non-voyants. Une salle de documentation est accessible sur rendez-vous.

Musée Bourdelle
18, rue Antoine Bourdelle
75 015 Paris

Accueil: 01 49 54 73 73
Fax 01 45 44 21 65

Visites : du mardi au dimanche
de 10h à 18h
Fermé le lundi et jours fériés
Salle pédagogique,
cabinet des dessins, salle de documentation : sur rendez-vous

 

Portrait de Beethoven,
Musée Ingres, Montauban.
Portrait de François Rousel, 1900.
Musée Ingres, Montauban

QUELQUES LIENS :

D’après textes et photos du site internet du Musée Bourdelle à Paris.