écrivain français et Prix Goncourt 1932
1900-1996

Contribution de Gilbert Pons, Pechpeyroux, Lot.

État civil :

Guy Marius Paul MAZELINE est né le 12 avril 1900 au HAVRE (76) fils de Alphonse MAZELINE et de Elise Hélène Suzanne JAQUENEAU
Marié le 18 décembre 1924 à Claire Louise DORS (née le 7 juin 1901 à NEVERS).
Sans enfant.
Décédé à Boulogne-Billancourt le 25 mai 1996.

Son œuvre :

TITRES PAGES ANNÉES ÉDITEUR PRIX
Le capitaine DURBAN 398 1934 Gallimard
Le délire 217 1935 Gallimard
Les îles du matin 343 1936 Gallimard
Piège du démon 221 1927 Gallimard
Un dernier coup de griffe 1944 Robert Laffont
Bêtafeu 218 1927 Gallimard
La femme donnée en gages 227 1943 Robert Laffont
Tony l’accordeur 245 1943 Edition du milieu
Les loups 584 1932 Gallimard Prix Goncourt
Pied d’alouette 25 1941 Edition du milieu du monde  
Porte close 219 1928 Gallimard  
Valfort 1951  
Chrétienne compagnie 1958  
Un royaume près de la mer 1931 Edition de la nouvelle revue française  

Prix Goncourt 1932 :

L’attribution du Prix :

Le favori du Prix GONCOURT 1932 c’est Louis Ferdinand DESTOUCHES médecin né en 1894 à COURBEVOIE avec “Voyage au bout de la nuit” édité par Robert DENOEL et écrit sous le nom de CELINE.

Le 30 novembre 1932, neuf titres sont évoqués :
Le voleur d’étincelles de Robert BRASSILLACH
Le Pari de Ramon FERNANDEZ (futur prix Fémina)
La maison des Bories de Simone RATEL (elle aura l’Interallié le 2 décembre)
Tête le long de Marcel JOUHANDEAU
Le pain quotidien d’Henri POULAILLE
La Maison dans la dune de Maxence VAN DER MEEERSCH
Les Loups de Guy MAZELINE
La femme maquillée d’André BILLY
Voyage au bout de la nuit de CELINE (en 1974, le tirage global atteindra 593 000 exemplaires)
Soutiennent ce dernier roman Lucien DESCAVES, Léon DAUDET, Jean AJALBERT, ROSNY jeune, ROSNY aîné qui compte double avec sa voix de Président. C’est tellement évident que DAUDE et Jean AJALBERT proposent illico d’entériner officiellement le ballon d’essai. Ce serait jouer un mauvais tour à la presse non convoquée estime ROSNY aîné le Président; on respectera le calendrier.

Le mardi 6 décembre, la veille du déjeuner chez DROUANT, Léon DAUDET, dans l’Action Française met cartes sur table ” avant que soit décerné, demain à midi, le prix GONCOURT, vraisemblablement à un ouvrage truculent, extraordinaire, que beaucoup trouveront révoltant parce qu’il est écrit en style cru, parfois populaire…”.

Mercredi 7 décembre 1932, c’est le deux cent troisième rendez-vous de l’Académie chez DROUANT. Le vote a lieu et un seul tour suffit : six voix pour Guy MAZELINE, 3 voix pour CELINE et une voix pour Raymond de RIENZI (Les Formiciens).

Les réactions :
DESCAVES :” J’étais retourné avec plaisir à l’Académie GONCOURT mais je n’avais pas pensé devoir être obligé d’arriver à la salle à manger en passant par la cuisine”.
Roland DORGELES ” :DESCAVES, ne croyez pas que quelque chose se soit combiné en dessous, vous vous tromperiez”.
DESCAVES :”Non, je ne crois pas qu’il y ait une manœuvre, j’en suis sûr. Au revoir, pourquoi voulez-vous que je reste ici ?
CELINE : “Le Prix GONCOURT, c’est raté, c’est une affaire entre éditeurs”.,

La presse se déchaine :
Lucien DESCAVES article paru dans “Le CRAPOUILLOT” Je sais les moyens dont certains disposent pour imposer leur choix. Je sais la presse qui est vendue et ceux qui sont à vendre; je n’y peux rien”.
GALTIER-BOISSIERE Directeur du CRAPOUILLOT “Dans les semaines ayant précédé l’attribution du prix GONCOURT, un roman signé de son Président ROSNY aîné n’a-t-il pas paru dans l’Intransigeant, le grand quotidien du soir tirant à 400 000 dont le Directeur est alors Léon BAILBY ? l’un de ses principaux collaborateurs se nomme précisément Guy MAZELINE”.
Maurice Yvan SICARD dans la revue LE HURON du 16 mars 1933 ” On sait comment à l’admirable “Voyage au bout de la Nuit”, fut doucement substitué le bouquin pommadé de Guy MAZELINE, l’affaire, cette année encore fut menée par DORGELES et les deux ROSNY, dont l’un est sourd et l’autre certainement idiot… CHAQUE ANNÉE la voix du Président de l’académie GONCOURT est achetée au plus offrant”.

Recours à la justice
ROSNY aîné réplique :”Aujourd’hui, vous essayez de déshonorer un homme qui n’a jamais commis un acte déloyal envers qui que ce soit. Vous m’accusez d’avoir vendu ma voix à des éditeurs qui m’auraient offert un contrat formidable. Il n’est pas un seul éditeur sur la place de PARIS qui oserait me proposer une opération de ce genre là”.
Le Président de l’Académie GONCOURT ROSNY aîné et Roland DORGELES assignent GALTIER-BOISSIERE et Maurice-Yvon SICARD en correctionnelle. L’affaire est jugée en décembre 1933, une semaine après l’attribution du GONCOURT à André MALRAUX pour La Condition Humaine. Ce choix fait l’unanimité. Entre temps, “Le Voyage au bout de la Nuit” a obtenu le prix RENAUDOT; aussi les esprits se calmèrent. Lucien DESCAVES demande l’acquittement et GALTIER-BOISSIERE écrit une lettre d’excuses. Il n’y a donc pas de jugement contre le directeur du CRAPOUILLOT mais les dépends sont à la charge de la partie civile, c’est à dire de ROSNY aîné qui en contre partie touche les 30 000 F de dommages et intérêts infligés à l’intransigeant Maurice-Yvon SICARD.

Ce prix GONCOURT 1932 a fait couler beaucoup d’encre. Il a été, selon François NOURRISSIER ” le scandale des GONCOURT”.

Guy MAZELINE a habité dans le Lot, de 1960 à 1976 à PECHPEYROUX, commune de CEZAC.

Sources : L’académie des Goncourt, Michel Caffier, Que sais-je PUF, 1994.
Le défi des Goncourt, Jacques Robichon, Denoël, 1975.
Goncourt 32, Flammarion, Eugène Saccimano.
Service des archives de la ville Le Havre

Pourtant, Mazeline ne sera jamais un écrivain « régionaliste », même s’il utilise à l’occasion le cadre de sa ville natale. Ce qui compte pour lui, ce sont les êtres et les conflits qui les opposent. Cela devient vite assez mécanique.
Ce premier roman est encore rapidement enlevé. Par la suite, notre écrivain s’obstinera à « faire long ». On le verra dès Un royaume près de la mer, paru en 1931. Il a pris son temps. Ce n’est pas ce qu’il fait de mieux. La monotonie et même l’ennui l’alourdissent.
Comme beaucoup de ses compatriotes normands, il écrit un peu “gris”, sacrifiant à une certaine éloquence qui marque un peuple de plaideurs.
On le verra bien en 1932 quand les Goncourt couronnent Les loups. Il s’agit du premier tome du Roman des Jobourg. Cette moderne saga en comportera cinq. Pas moins de deux mille pages ! Nous y découvrons les déboires de Maximilien Jobourg, Havrais comme il se doit, héritier d’un nom et d’un patrimoine dont il n’a pas su maintenir le prestige.
Nous sommes à la fin du siècle dernier et l’apparition de sa fille naturelle vient bouleverser une existence familiale feutrée et finalement assez médiocre. Dans la coulisse, des intrigues boursières nous montrent que l’on est dans un milieu qui tient à ses biens.
En contrepoint, apparaît une autre famille, celle du capitaine Antoine Durban, de la Compagnie française de navigation.
L’intrigue est encore compliquée par les manœuvres de la vieille Virginie Jobourg, qui n’a d’autre souci que de ruiner son propre fils !

Quarante ans sans écrire

On est loin des Thibault de Martin du Gard et même des Pasquier de Duhamel, même si on quitte parfois le quai des brumes pour aborder la Martinique, autre décor familier à l’auteur.
Guy Mazeline va écrire, dans le même esprit fort conventionnel, une douzaine de romans qui se ressemblent un peu trop, de L’amour de soi-même (1939) au Souffle de l’été (1946), en passant par Un dernier coup de griffe.
Certes, il garde son public, mais celui-ci vieillit au fil des ans sans se renouveler.
Quand il meurt à quatre-vingt-seize ans, le 25 mai 1996, il n’avait rien publié depuis quarante ans, si ce n’est Chrétienne compagnie (1958), qui terminait, d’une manière fort édifiante le cycle des Jobourg, dont le véritable thème apparaît religieux, dans le sens de “religio” (ce qui relie), réussissant à créer une sorte de paysage mental « sorti des fécondantes alluvions du passé où les coeurs inventifs, sans lumière, se refermaient sur eux-mêmes et se détruisaient, finalement », ainsi qu’il le dira à propos de son ultime personnage des Loups, surgi de la province de Québec au lendemain de la dernière guerre, à laquelle le vainqueur de Céline ne devait, littérairement parlant, guère survivre.

Rival heureux de Céline au Prix Goncourt 1932

Un bien curieux petit livre, qui s’intitule “roman”, nous emmène dans les coulisses du prix Goncourt de l’année 1932. L’éditeur Denoël pariait alors sur un total inconnu, dont on savait seulement qu’il se nommait Louis Destouches et qu’il était docteur en médecine. Son gros pavé au titre étrange, Voyage au bout de la nuit, ne faisait pas moins de six cents pages.
C’était aussi la longueur de l’interminable roman Les loups de Guy Mazeline, auteur solidement installé dans la maison Gallimard.
Dès le premier tour, malgré l’espoir des céliniens que tentait de rallier Léon Daudet, ce fut ce dernier qui l’emporta, par six voix contre trois.
A près de soixante-dix ans de distance, le monde littéraire continue à se gausser des timides jurés Goncourt et prétendent que l’année 1932 est le plus mauvais cru de toute leur cuvée.
Céline a eu le destin que l’on sait. Le voici devenu incontournable. Par contre, son rival a totalement disparu dans cette sorte de purgatoire à perpétuité qui guette les écrivains démodés – c’est-à-dire, finalement, la majorité des hommes de lettres au lendemain de leur décès.
Il est entendu sans appel que son oeuvre est tout simplement nulle. Est-ce bien si certain ? Guy Mazeline a écrit quelques-uns des plus solides romans de l’entre-deux-guerres. Il serait venu d’outre-Manche ou d’outre-Rhin qu’on le lirait encore. Il fut seulement Havrais. Cela ne se pardonne pas facilement.

Il n’est pas facile aujourd’hui de dénicher dans les manuels de littérature, ni même dans les dictionnaires, le nom de Guy Mazeline. Encore moins sa date de naissance exacte. Ce fut un 12 avril, au Havre ; de l’année 1900 ou de l’année 1901, les avis divergent.
N’est-il pas révélateur de devoir ainsi hésiter pour savoir s’il appartient à la première année de notre siècle ou à la dernière d’un XIXe auquel toute son œuvre l’apparente.
On le qualifia naguère de « balzacien ». C’est assez vrai, le génie en moins. Par contre, son talent et sa propension à le faire valoir sont indéniables.
D’être né au Havre, « porte océane » comme aimait le répéter Edouard Herriot, dans une famille très bourgeoise de négociants et d’armateurs, va le marquer à jamais. Il est, indéniablement, un fils de cet Estuaire largement ouvert sur la mer la plus fréquentée du globe. Nous sommes sur une frontière. L’Angleterre n’est pas loin, bien plus voisine qu’étrangère. Il y a chez Mazeline, quelque chose d’anglo-saxon.

Une enfance voyageuse

Ce grand Viking brun et taciturne n’est pas un terrien comme trop de ses compatriotes. Il reste sensible aux vastes horizons.
Il n’a pas cinq ans que ses parents l’emmènent à Fort-de-France. Les Antilles seront sa première initiation. Il sera un garçon un peu sauvage, élevé au grand air, plus habile à pagayer qu’à apprendre à lire.
Aussi, on va l’envoyer au collège Saint-Joseph du Havre où il accomplira toute sa scolarité, de 1907 à 1915.
Adolescent, il rejoint ses parents aux Seychelles, dans l’océan Indien. Il y passera huit mois, retrouvant une mer qui est peut-être sa vraie patrie.
Tout naturellement, il entre à l’école d’Hydrographie du Havre, où il passe un an. Mais la guerre est là ; en juillet 1918, il s’engage pour trois ans dans la marine de guerre. Le voici sur un dragueur de mines au large des côtes du Liban.
Depuis longtemps, il écrit des vers, ce qui l’amuse plus que les calculs nautiques. Il a quelques admirations littéraires, d’abord Roland Dorgelès et Léon Hennique. Cela lui servira un jour pour le Goncourt.
Vers 1922, il se lance dans le journalisme et devient un des localiers du Petit Marseillais, chargé des reportages sur le sport et la vie du port.
L’ambiance des années méridionales de ce Normand est assez bien évoquée dans ce curieux Goncourt 32, que vient de publier Eugène Saccomano (auteur voici plus de trente ans du roman Bandits à Marseille, dont fut tiré, en 1970, le film Borsalino, avec Alain Delon et Jean-Paul Belmondo).
Epuisés les charmes de la Cannebière, Mazeline va monter à Paris et, en 1927, rejoint L’Intransigeant. Cette fois, il passe de la chronique maritime à la rubrique judiciaire. Il y fera merveille, car il sait bien mettre en scène les personnages qu’il découvre à la correctionnelle ou aux assises.
Son premier roman paraît en 1927. D’emblée, le voici publié par Gallimard, auquel il restera fidèle jusqu’à la guerre, pour la satisfaction mutuelle de l’éditeur et de l’auteur.
Piège du démon appartient à ce genre naturaliste qui a longtemps semblé indémodable. L’écriture est appliquée, la psychologie des personnages attachante, le cadre bien posé en arrière-plan.